40 milliardaires américains prêts à donner la moitié de leur fortune

Par Pierre Haski, Rue89


Bill Gates, fondateur de Microsoft, et Warren Buffett, patron du fonds Berkshire, sont à l'origine de cet inédit tour de table.

Evidemment, on ne vise personne. Evidemment, c'est aux Etats-Unis que ça se passe et « ils » sont différents. Evidemment, c'est plus facile d'en parler quand on n'a pas de fortune soi-même… Mais tout de même… Une quarantaine de milliardaires américains et leurs familles se sont engagés mercredi à donner au moins la moitié de leur fortune à des organisations caritatives.

L'initiative revient à deux des plus grandes fortunes mondiales, Bill Gates, le fondateur de Microsoft, et sa femme Melinda avec laquelle il a créé une fondation, et le « gourou » de la finance, Warren Buffett, le patron du fonds d'investissement Berkshire.

Les Gates et Buffett ont fait le tour de leurs amis riches, et leur ont fait signer un « giving pledge », un engagement de don qui n'a aucune valeur légale mais seulement « morale ». Chacun reste libre de la somme qu'il va donner, et de la cause qu'il va soutenir.

Parmi les signataires, qui étaient réunis mercredi à New York, le maire de la ville Michael Bloomberg, le fondateur de CNN Ted Turner -qui avait autrefois sauvé l'ONU de la faillite en donnant un milliard de dollars quand Ronald Reagan refusait de payer la part des Etats-Unis-, le cinéaste George Lucas -« Star Wars »…-, ou encore le cofondateur de l'éditeur de logiciels Oracle, Larry Ellison.

Une tradition de philanthropie

Le geste s'inscrit de plein pied dans une tradition bien établie de « philanthropie », qui remonte aux Rockefeller et aux grands barons du capitalisme américain au début du XXe siècle.

Ainsi, Warren Buffett, l'un des initiateurs du « giving pledge », a lui-même déjà annoncé il y a quatre ans qu'il donnait plus de 80% de sa fortune personnelle, estimée à 47 milliards de dollars (environ 40 milliards d'euros), à la Fondation Bill et Melinda Gates qui est particulièrement active sur le terrain médical dans le monde en développement, avec des engagement de plusieurs milliards de dollars contre le paludisme ou le sida.

On peut évidemment ironiser, ou même parler de cynisme avec la présence dans cette liste de géants de la finance qui portent, directement ou indirectement, une part de responsabilité dans la crise actuelle. De Warren Buffett à David Rubinstein, cofondateur du célèbre fonds d'investissement Carlyle, ou encore l'ancien patron de City Group, Sandy Weill. Ce n'est pas une révolution ou une « nuit du 4 août » : on reste dans le registre compassionnel.

Et en France ?

Il n'empêche, le geste est fort dans une Amérique qui vit toujours les conséquences de la crise financière avec un impact social considérable. Au lieu de s'enfermer dans leur tour d'ivoire ou de s'isoler des problèmes de la société, ces riches-là ont choisi de s'acheter une conscience sociale : les bénéficiaires de la manne ne s'en plaindront pas.

Difficile, même en faisant de gros efforts, de ne pas penser aux turpitudes de certaines grandes fortunes hexagonales qui figurent dans l'actualité française du moment, ou au discours dominant sur un « bouclier fiscal » qui serait indispensable pour que nos riches ne s'enfuient pas à l'étranger… A choisir, je préfère des milliardaires peut-être hypocrites et pleins d'arrières-pensées, mais prêts à afficher un peu de solidarité.